Anjou blanc, quel chenin suivre ?

Après la session annuelle des salons angevins, les papilles enivrées de Pineau de Loire, voici des conditions optimales pour tenter de comprendre le caractère lunatique du chenin.

« Les caractères du grand cépage de Loire » serait une expression plus adaptée. Une variété de vigne aux multiples lectures : un jour à buller au coin d’une cave saumuroise, un autre un poil tendre au détour d’une vallée vouvrillonne ou transformé en nectar sous un toit de Chaume.

C’est sur ce dernier visage que je voudrais porter mon attention : le visage sous doute le plus racé, le visage du passeur de terroir, le chenin sec, nu sans sa couverture douceâtre. Avouez qu’il est quand même intriguant qu’après avoir dégusté une centaine de chenin « sec » sur schiste en quelques jours, il est dommageable de ne pouvoir faire ressortir une typicité minérale.
La question qui reste toujours en suspend : quelle est la personnalité le chenin dans son robe noire angevine ?

Pourquoi les notions de terroirs dans les vins blancs ne seraient assujetties qu’aux Bourguignons ? Les sols de Côte-d’Or sont-ils les seuls à marquer des vins de leurs empruntes ? Le Chardonnay peut-il se targuer d’être l’unique éponge à terroir ?

Loin s’en faut ! Juste une question de valorisation, une approche plus qualitative que quantitative, et surtout un numéro d’équilibriste de finesse et dosage. La notion de « terroir » s’articule autour de trois piliers : l’homme, le lieu et le cépage.

  • Le cépage se doit d’être un point caractériel, doté à la fois d’une colonne vertébrale solide et d’une tension maîtrisée. Il faut qu’il sache laisser de côté sa personnalité primaire pour laisser causer son sol. Au travers de ma faible expérience de dégustateur, un trio de tête se dégage particulièrement, le Chardonnay bourguignon, le Riesling et le Chenin.
  • Le lieu, sous entendu le mésoclimat, la structure géologique, topographique. Pour exprimer encore faut-il qu’il y ait quelque chose à exprimer. Travail empirique au cours des siècles que les AOC se doivent de mettre en valeur aujourd’hui. La diversité géologique en Anjou est réelle et complexe : schistes gréseux, spilites, pierres carrées, phtanites, rhyolites et autres complexes schisteux.
  • L’homme. A travers son savoir-faire, il doit savoir mettre en valeur ses vins, les comprendre et en finalité se mettre de côté (tout comme le cépage) pour laisser exprimer la complexité qui découle de son sol.

Le Chenin est un porte parole idéal pour amener au plus haut l’identité viticole angevine. Il possède une race naturelle, une complexité aromatique acquise et en adéquation parfaite avec son environnement. Le climat ligérien, porté par la douceur angevine, permet de vinifier des vins fins avec une structure acide très élégante qui laisse totalement place aux qualités variétales du cépage et la puissance du terroir. Les vignerons angevins ont pris depuis longtemps conscience du potentiel énorme de leur vignoble. Reste maintenant à l’exprimer, et c’est ici que le travail doit se concentrer.

Habitués à vinifier des chenins botrytisés, peu de vignerons maîtrisent aujourd’hui à mon sens le juste point de maturité pour laisser place à la minéralité cheninesque. C’est que cette dernière est volatile et difficile à atteindre. Un Chenin ramassé en pourri plein ou commençant simplement à dorer se concentre aromatique à travers les essences exotiques, miellées… Des arômes trop puissants qui viennent écraser les arômes associés au terroir. En résulte des blancs secs au nez de moelleux. Du bas de ma basse vallée angevine, je suppose qu’une vendange plus rapide, avec une fenêtre positionnée entre les vins de base et les premières apparitions du botrytis serait à étudier.

La notion d’élevage est aussi un frein au développement de la vision terroiriste. Des élevages en fûts de chêne souvent neufs ou de un vin sont de véritables sérial killers pour la minéralité schisteuse. Trop puissants et imposants. Non pas que je sois anti-bois, mais un élevage en milieu neutre par exemple en cuve et sur lies comme nos amis du Muscadet ?
Enfin, la notion de fermentation malolactique « forcée » avec souvent des batonnages modifie de manière importante l’aromatique d’un vin avec des notes briochées, fumées…
Je ne vous parle pas du SO2 qui doit être ni trop, ni trop peu. Trop : au risque de goûter des vins aussi jeunes qu’au premier jour après 10 ans de bouteille (tels de bons vieux layons cuvée « barre le lendemain »). Trop peu : le Chenin qui se prend pour un Mauzac révèle un cruel manque de personnalité. Et puis la concurrence du côté de la Coulée de Sérrant est difficile à soutenir !

Pour résumer cet article aussi structuré que ma pensée, la politique la moins interventionniste en cave semble la plus adaptée. Vigneron, c’est être métronome, toujours sur un fil. Trouver l’équilibre est peut-être le secret d’un grand vin. A l’heure actuelle, les apports en cave empêchent cette expression de minéralité dans les chenins ou diluent. Mais Puligny-Montrachet ne s’est pas fait en 3 jours…

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