Introduction extraite du mémoire que j’ai été amené à réaliser lors de ma dernière année d’étude en 2013.
« « Roger ! Un Muscadet ! » Cette expression, tirée du célèbre personnage du Chat de Philippe Geluck, résume en trois mots l’image que les français ont aujourd’hui du Muscadet : fraîcheur, simplicité et convivialité.
Lors du dernier Salon des Vins du Val de Loire, même son de cloche au détour d’une allée. Voici ce que l’on pouvait entendre de la bouche d’un professionnel aguerri :
« Depuis des lustres, le Muscadet se comporte comme un vin de pays, frais et gouleyant, de préférence à boire sur place et sans modération en compagnie d’une montagne de fruits de mer. Il n’a pas une mauvaise image, il a l’image d’un vin de pays sans prétention, à usage essentiellement local. C’est un vin « populaire » dirons nous, et il en faut aussi, accessibles et pas toujours très bons, qui participent à la glorieuse légende du vin ! »
Voici en quelques lignes l’image que ce vin du pays nantais véhicule malgré lui. Un bon vin de copain qui fait ce qu’on lui demande, à savoir « être frais et gouleyant ». Un vin dont le vigneron ne pourra jamais en tirer plus.
D’après ce même journaliste, le Muscadet est dit « populaire ». Notion intéressante et parlante que le dictionnaire Larousse définie ainsi :
« Qui s’adresse au peuple, au public le plus nombreux, qui est conforme aux goûts de la population la moins cultivée…qui seraient considérés comme choquants ou vulgaires dans un écrit ou dans une communication orale plus formelle. »
L’image du pays nantais s’associe à celle d’un vin de seconde catégorie, le vin « du peuple ». Il serait donc malvenu et impensable qu’un breuvage qui ne portera jamais la couronne des rois de Bourgogne : Chassagne, Puligny et Meursault veuille porter des lettres de noblesse.
A en croire cette plume bachique, on naît grand vin, on ne peut le devenir.
Aujourd’hui, la terre du Melon de Bourgogne demeure à bien des égards le pays des « trop » : trop de rendements, trop de vins médiocres, sans âmes, trop de négociants, trop peu de notion de qualité. Il traverse à l’heure actuelle une seconde crise, plus virulente que celle du gel de 1991. Concurrencer par les vins des nouveaux pays producteurs : Etats-Unis, Australie, Chili, Afrique du Sud…, le Muscadet n’a plus sa superbe de l’année 1987 avec ces plus 600000 hectolitres vendus dont une partie non négligeable sur le marché anglais. La grande surface est le nouveau royaume de ce-dernier. Vendu un 1€, il devenu la star des caddies entre Vieux Pape et Père Benoît.
Plan d’arrachage, crise sociale, d’identité et structurelle, le Muscadet vit des heures sombres de sa longue et riche histoire. Comment ce vignoble en est-il arrivé à ces extrémités ? Ces maux sont-ils à imputer au négoce, à un terroir banal, un cépage de soif ? Ou encore à Nantes, une capitale qui lui tourne le dos ? Pourquoi ne pas remonter plus loin, quelle fût l’influence des hollandais, ces fiers marins rois du commerce ?
Autant de questions qui seront abordées point par point, afin de savoir si le Muscadet peut se défaire de son image de vin de guinguette ?
Dans un premier temps, après une présentation synthétique du vignoble nantais, un état des lieux sera réalisé afin de comprendre au mieux les différents problèmes que rencontre le vignoble nantais aujourd’hui. A savoir un historique des crises de 1991 et de 2008 et leurs conséquences. Afin d’aller plus loin dans cette photographie actuelle du vignoble, un parallèle sera réalisé avec le vignoble du Beaujolais qui traverse lui aussi une période morose.
Après avoir posé les fondations, la deuxième partie sera consacrée au passé de Nantes et ses vignes à compter du XVIIe siècle : l’influence des Hollandais sur le développement du négoce et des vins de chaudière, la notion de bail à complant du pays nantais, le gel de 1709, autant de sujets qui seront approfondis étant donné leur influence sur la structure du vin de Loire-Atlantique.
La relation ambiguë entre Nantes et son vignoble sera également l’objet d’une analyse. A la fois en remontant le temps, en mentionnant Nantes et son activité portuaire, puis à notre époque.
Pour conclure cette étude, un peu d’optimisme ! Au sein d’un troisième volet, l’avenir du Muscadet sera l’objet principal. Après une présentation du Melon de Bourgogne et de ses caractéristiques. L’immense potentiel terroir de ce vignoble sera mis en exergue avec un zoom sur la stratégie des crus communaux. Il sera alors question non pas d’un, mais des Muscadets. »